" Alors comme ça, vous avez eu l'idée du personnage de Julie, et hop, vous avez déroulé toute l'histoire ? "
Bah, c'est-à-dire que... non, pas hop. Pas du tout. Déjà parce qu'il y avait un thème imposé, et ensuite parce qu'il y avait un règlement formel à respecter (nombre de caractères, date butoir, etc).
Dès le début j'ai très vite su que je voulais parler d'une addiction aux SMS et de la régression qui peut en découler. Pourquoi je voulais raconter ça, c'est un mystère, et surtout c'est un autre sujet. En tout cas, je connaissais le début, le milieu, et la fin. J'avais même le titre. C'est déjà pas mal me direz-vous. Eh bien que nenni. La route est longue entre ces trois pôles. Très longue. Surtout quand on n'a que quelques mois devant soi pour rendre un manuscrit de 250 pages, et qu'on ne peut pas s'y consacrer tous les jours de la semaine...
Alors d'abord, il m'a fallu de la matière. Beaucoup de matière. En ce qui me concerne, il n'y a rien d'autobiographique dans 1Tox. Pour tout inventer, il me fallait des traits de personnalité, des événements, des scènes, des émotions, des schémas psychologiques, etc. Des preuves irréfutables que les personnages sont vivants, "humains". Epais, quoi. J'ai écrit près de cent pages avec des paragraphes cousus de patchwork, de bribes de ci ou de ça, de tentatives imaginatives diverses et variées.
Et puis j'ai commencé à écrire sur une page blanche la "vraie" histoire, à peu près in extenso. A rassembler les petits bouts qui m'intéressaient plus que les autres. On échaffaude un déroulé, on fait un découpage en chapitres comme autant de jalons du récit, et on commence à les écrire en partie. Histoire de voir ce que ça donne avec un peu de contenu. Bref, ça avance, on sourit, la vie est belle.
Et là, c'est le drame. Ce premier jet, quand je le relis, il me fait l'effet d'une pente savonneuse. Un truc qui ne tient pas debout, d'une platitude honteuse. Ah oui, ça, c'était logique et linéaire. Point A, B, C, D et E. Mais où sont les pics qui font qu'on a envie de tourner les pages ? Les A', B'', C bis ? On se tourne alors vers son imagination, déçu et en colère, et on lui jette au visage sa copie affublée d'un gros 6/20 en rouge.
Alors il faut tout recommencer. Encore et encore. Redécouper, ré-imaginer, réécrire, réagencer, rétrécir, agrandir, reformuler. Construire, déconstuire, reconstruire. Fermer les yeux et se laisser guider par autre chose qu'une démarche méthodique. Laisser parler le petit supplément d'âme qu'on a mis de côté sans s'en rendre compte. Jusqu'à obtenir de nouveau une charpente qui convient à peu près, suffisamment solide pour continuer à dérouler le récit.
Et quand on a des scènes qui ressemblent à quelque chose, des dialogues plus affutés, des émotions plus justes, tout ça, tout ça, on est content. C'est bien. Mais ce n'est pas fini. Parce que là, soucieux du fait que le lecteur ne s'ennuie pas (ou peu...), on retouche sans arrêt. On rentre dans tous les détails, et donc, qu'est-ce qu'on fait ?? Bah oui. C'est ça. On recommence, on déconstruit, on reconstruit, on réécrit, etc.
Personnellement, le jour où j'ai mis le dernier point de la dernière correction de la dernière phrase, j'ai pleuré de joie. Véridique. Enfin si c'était de la joie, je ne sais pas, je pleurais et je riais en même temps. Oui, je sais, je suis très sentimentale comme fille. Mais il faut me pardonner, c'était mon tout premier roman :-)
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